L’échec du second tour

Les résultats de l’élection législative partielle de dimanche ne devraient satisfaire aucun démocrate.

Le pourcentage de votants et le nombre des bulletins blancs et nuls traduit à la fois la défiance des électeurs pour la politique et le fait que l’offre politique du deuxième tour n’a pas été appréciée.

La satisfaction de Francis Chouat, qui s’est exprimé dimanche soir à la Mairie d’Évry, la joie de ses partisans comme les certitudes béates des partisans de la candidate de la France soumise à Mélenchon m’attristent autant qu’elles m’indignent.

La démocratie française va mal comme l’avait déjà montré, la veille, la manifestation des « Gilets jaunes» et les graves incidents qui l’ont accompagnée. Un nombre croissant de français n’a plus confiance en ses élus et dans les responsables politiques. Beaucoup cherchent à exploiter à leur profit cette défiance croissante au lieu de la combattre.

L’histoire ne se répète jamais, mais il y a en effet des analogies entre les années trente et notre époque. On devrait s’en inquiéter plus qu’on ne le fait aujourd’hui et rappeler que les anarchistes de gauche et de droite, les populistes et les tenants du « tous-pourris » sont aussi et surtout des adversaires de la démocratie.

Dimanche soir, donc, la gauche a été battue dans la première circonscription de l’Essonne, historiquement à gauche, et elle l’a été sur un score sans appel et malgré le déploiement de moyens considérables et les interventions de leaders nationaux dont, aux Tarterêts, Jean-Luc Mélenchon.

On m’a beaucoup parlé dimanche soir de la médiocrité de la candidate qui représentait la gauche. Celle que je suis allé saluer après la proclamation des résultats avec Michel Nouaille est incontestablement une femme sympathique, convaincue et courageuse. Était-elle pour autant une bonne candidate ?

Je ne le crois pas et il suffisait de voir ces derniers jours sur les réseaux sociaux les informations qui circulaient sur ses absences répétées au conseil municipal et au conseil communautaire ou d’écouter ceux qui ont milité avec elle, pour s’en convaincre. La France soumise à Mélenchon a fait un mauvais choix mais suffit-il à expliquer un résultat aussi mauvais ?

Je ne le pense pas non plus et ma plus grande tristesse dimanche soir a été de constater, parmi les soutiens de la perdante que j’ai observés et écoutés, une absence effarante de lucidité, qui certes produira leur inévitable échec, mais peut-être aussi, pendant longtemps, celui de la gauche de transformation sociale.

Et comme cette incompréhension de la situation, sorte de cécité politique, est représentative de la pensée nationale du mouvement, elle constitue à mon sens un danger réel non seulement pour la gauche mais aussi pour notre démocratie.

Face à une droitisation progressive de la société française qu’il est absurde et dangereux de nier, à la montée des populismes en Europe, et au mécontentement croissant des français, la Gauche (ce qu’il en reste) a le devoir de s’unir. Elle devrait d’ailleurs se rappeler que les grandes avancées sociales du vingtième siècle ont été obtenues lorsque la gauche a su s’ouvrir et s’unir. La peur pathologique de la compromission empêche souvent le compromis constructif et salvateur. Le dégagisme combat certes la droite au pouvoir mais aide aussi l’extrême droite et les ennemis de l’ordre républicain.

Dans notre circonscription, le mouvement Génération·s auquel j’appartiens, a porté avec obstination une volonté d’union mais n’est pas parvenu à la faire prévaloir.

L’échec de dimanche n’est pas d’abord l’échec d’une candidate médiocre mais l’échec d’une stratégie qui refuse l’union et le dialogue pour privilégier l’action d’une France Insoumise prétendant représenter seule un camp qui, de plus en plus, ne la reconnaît plus comme un acteur crédible du changement espéré.

Ce n’est pas en méprisant les autres organisations et les militants de base, sommés de suivre ou de se démettre ou en adoptant des comportements irresponsables comme cela a été récemment le cas pour son leader, que la France soumise à Mélenchon s’imposera. Les débats qui la secouent actuellement et les démissions qui leur font suite en témoignent d’ailleurs avec éclat.

Pour rester sur cette question de la stratégie, il est affligeant de lire les commentaires que Jean-Luc Mélenchon a consacrés à notre élection. Loin de se poser des questions dérangeantes, il reproche à Farida Amrani d’avoir mené une campagne de deuxième tour sur le thème de la Gauche rassemblée; on croit rêver !

Ce n’est d’ailleurs pas seulement la stratégie qui est en cause mais le programme et la forme d’organisation.

La gauche gagne quand elle est crédible et le programme de la France Insoumise ne l’est pas. Il est même à certains égards dangereux, qu’il s’agisse d’envisager la France hors de l’Europe, de ne pas penser les transformations sociales qui résultent des progrès scientifiques et technologiques ou d’envisager une refondation totale de notre constitution qui offrirait aux droites françaises l’occasion d’une mise en cause dramatique de notre état de droit.

Quand à la forme d’organisation et au risque de chagriner certains de mes camarades, je veux dire mon attachement aux partis politiques, même si leur fonctionnement doit changer (nous vivons à cet égard une expérience très intéressante au sein de Génération·s). Quand je parle de partis politiques, je parle d’organisations démocratiques qui sont autant d’intellectuels collectifs pensant l’avenir, et de collectifs d’intervention militante au service de la lutte pour la justice sociale. L’Histoire condamne, pour ceux qui ont le courage de la regarder en face, les mouvements plus ou moins flous créés derrière un homme, guide ou maître à penser d’une plèbe décérébrée.

Avec son adoration du chef, considéré comme un maître dispensant sa parole sacrée, la France soumise à Mélenchon est un contre-exemple qui doit être combattu. Il porte en germe les aventures antidémocratiques dont tous les mouvements de même acabit ont été le germe malfaisant.

Si j’écris ici sur cette partielle qui (heureusement) n’aura pas de grandes conséquences nationales c’est que des échéances se profilent, autrement plus préoccupantes. Les européennes d’abord mais surtout les municipales.

Si les organisations de gauche et les associations citoyennes qui existent dans nos communes ne comprennent pas qu’elles ne peuvent gagner qu’en travaillant dès aujourd’hui ensemble et en s’unissant dès le premier tour des municipales, elles seront balayées par la Droite et désespéreront une fois de plus leur électorat.

Peut-être n’est-il pas trop tard pour le dire.

6 réflexions sur « L’échec du second tour »

  1. Bonjour,
    Je ne sais pas si j’ai noté les bons chiffres, mais il me semble qu’il n’y a eu que 17% de votants sur les inscrits, et Farida Amrani a eu 40%.
    Je ne sais pas si LREM a lieu de se féliciter.
    Les gens sont blasés et n’ont pas voulu se fatiguer en allant voter.

  2. Bonjour,
    Le duo LFI Farida Amrani-Ulysse Rabaté a été battu dimanche 25 novembre 2018. J’y vois plusieurs raisons qui sont éloignées des vôtres.
    D’abord, Farida Amrani et son suppléant incarnaient une candidature qui ne pouvait en aucun cas être soutenue par la gauche républicaine et ceux qui s’en réclament. La France insoumise, à l’heure actuelle, ne peut être considérée comme un acteur politique crédible au sein de la gauche tant qu’une clarification ne sera pas venue de ses rangs sur son rapport aux principes républicains et universalistes.
    Disons-le sans détour, l’unité à gauche ne peut pas se faire à n’importe quel prix et surtout avec n’importe qui. En l’espèce, ce qui s’est joué autour de cette législative partielle n’a pas été le sort de la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale mais bien la définition que l’on privilégie de ce qu’est la gauche.
    Ce qui s’est joué à Corbeil-Essonnes et à Evry ce n’est pas « le combat contre le macronisme libéral », mais bien de savoir si l’on fait gauche commune avec une extrême-gauche identitaire, indigéniste et communautariste (soutenue en 2017 par un Dieudonné) dont la préoccupation pour les quartiers populaires se résument à un militantisme en faveur de l’obscurantisme religieux (se rappeler des tractages au marché des Tarterêts) et contre les forces de l’ordre. Les identitaires de cette sorte, fussent-ils d’une gauche autoproclamée, ne sont pas notre camp.
    Le plus désespérant est que cette stratégie n’est même pas gagnante. Alors qu’Emmanuel Macron est au plus bas dans les sondages, cette coalition contre-nature n’a su ni mobiliser les électeurs de la 1ère circonscription, ni faire élire Farida Amrani.
    Entre porter le flambeau de la gauche républicaine et renier leurs propres valeurs, les partis de gauche ont choisi de se renier.
    Etre de gauche, être républicain, c’est couper définitivement tout lien avec les dérives d’une extrême-gauche identitaire et communautariste. Sans cela, la gauche n’aura aucune chance de renouer le lien de confiance, aujourd’hui rompu, avec les Français.

    [Je ne crois pas que nos positions soient si éloignées que tu le penses. Je publie en tout cas ton commentaire que je considère comme une contribution utile au débat. Je n’oublie pas que beaucoup d’électeurs ont voté Amrani pour exprimer leur opposition à la politique gouvernementale sans forcément approuver les positions de la France soumise à Mélenchon. S. R.]

  3. Face à une candidate « médiocre », « antirépublicaine », membre d’un mouvement « d’extrême gauche », comment se fait-il que le candidat soutenu par générations ne soit pas parvenu à se qualifier au second tour ?
    C’est toujours intéressant de critiquer les autres !

  4. Bonjour,

    A titre personnel j’ai effectivement voté Amrani contre Chouat disciple de Macron mais en aucun cas je partage les idées et méthodes de cette candidate et de ses soutiens.

    Eric a parfaitement raison quand il parle d’obscurantismes religieux qui fait que ces communautés ne font aucun effort pour s’intégrer à la société française et c’est nous qui devons nous intégrer à leurs us et coutumes. (une de ces communautés est représentée à plus de 70% dans nos prisons) Même Coulomb (pas au RN) a dit ouvertement qu’il fallait réagir vite avant le désastre !

    Les premiers qui ont lamentablement tué tout rassemblement possible des gauches à Corbeil, c’est le PS lors du premier tour des élections municipales de 2008 avec un tract assassin contre Bruno Piriou, ensuite la scission Piriou / Nouaille a scellé le sort de la gauche pour de longues années !

    Tant que la gauche fera la chasse aux voix auprès des communautés en excusant ou en minimisant l’attitude antirépublicaine de celles-ci, vous n’obtiendrez plus l’adhésion des français !

    Je vous rappelle que sur ce blog, en 2008-2009 je disais que l’on compterait les morts en France par centaine, un certain Axel m’a dit « tu parles le FN » et que c’est-il passé depuis ? Charlie, le bataclan, etc. Vous refusez de voir la réalité de la société française, vous minimisez et ce qui c’est passé à Paris hier en est l’image frappante. Des gens pacifistes qui manifestent paisiblement et des casseurs pillent, incendie un musée qui montre l’inculture de ces personnes sans cervelle ! Voilà la société que la gauche et la droite ont façonné depuis une cinquantaine d’année… MERCI !

  5. Pour illustrer les dires de mon précédent ticket, je viens de regarder BFM, les pilleurs de la boutique de l’arc de triomphe ne se cachent même plus, butin entre les mains, c’est BFM qui floute leur visage !

    Ils narguent le pouvoir, la justice, ils se prennent en photo qu’ils postent après car ils savent qu’ils ne risquent rien, ça en dit long sur l’état de déliquescence de notre république…

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