[La période de confinement que nous vivons est pénible pour tout le monde. Nous avons à résister à l’ennui , à la peur et à la tristesse.
Vous savez que je travaille depuis deux ans à un dictionnaire encyclopédique en ligne Ma petite encyclopédie.
Afin de nous changer les idées et de partager quelques connaissances, je publie à partir du 21 mars un article par jour parmi les 2 300 entrées que compte actuellement Ma petite encyclopédie avec un commentaire.
Ces publications seront annoncées chaque jour sur Facebook mais effectuées sur mon blog qui est plus adapté à cet objectif.
Ma petite encyclopédie traite d’informatique et d’arts graphiques. Je privilégie pour vous les articles les moins techniques. J’espère qu’ils vous intéresseront.
Je vous invite à poser vos questions et à faire vos commentaires, sur Facebook de préférence.]
[Je publie aujourd’hui l’article consacré à un homme qui m’est cher, Alan Turing, dont le rôle a été considérable pendant la deuxième guerre mondiale et qui a beaucoup souffert des préjugés de son temps. Je publierai demain un article qui concerne le monde de la communication écrite, il a pour titre Ala.]
Alan Turing
Alan Turing à 16 ans, photo de passeport (Source Wikimedia Commons, domaine public)
« Ce qui m’intéresse, ce n’est pas de mettre au point un cerveau puissant, rien qu’un cerveau médiocre, dans le genre de celui du président de l’American Telephone and Telegraph Company. » Alan Turing.
Né le 23 juin 1912 à Paddington, Alan Turing donne dès son enfance les signes d’une grande intelligence en particulier dans le domaine des chiffres et des énigmes. Il est pourtant un élève moyen car il répugne à travailler dans les matières classiques, ne s’intéressant qu’aux disciplines scientifiques. C’est par contre un excellent sportif qui faillit être sélectionné pour les jeux olympiques de 1949.
En 1928, il prend connaissance des travaux d’Albert Einstein qu’il comprend malgré son jeune âge. Il parvient à entrer au King’s College de l’université de Cambridge dans lequel il étudie de 1931 à 1934. Il suit des cours de mathématiques et de logique et est élu fellow du King’s College en 1935.
En 1936 il publie « On Computable Numbers, with an Application to the Entscheidungsproblem », un article resté célèbre dans lequel il répond à une question posée par le mathématicien Hilbert, celle de la décision (Entscheidung) dans les théories axiomatiques. Il crée à cette occasion le concept de « machine universelle », ce que nous appelons aujourd’hui une machine de Turing.
De 1937 à 1938, il travaille à l’université de Princeton, sous la direction d’Alonzo Church où il obtient en mai 38 son doctorat. De retour à Cambridge en 1939, il participe à des cours publics sur les fondements des mathématiques.
En octobre 38, Turing assiste à la projection de Blanche Neige et les 7 nains. Il en retient la scène dans laquelle la sorcière trempe la pomme dans un bouillon empoisonné. Il retiendra aussi le petit air : « Dip the apple in the brew/Let the sleeping death seep through ».
la guerre
Pendant la seconde guerre mondiale, Alan Turing est un des acteurs principaux des recherches menées pour casser les codes secrets de la machine Enigma utilisée par les nazis.
Il parvient à décrypter le code qui permet à l’Amirauté du Reich de communiquer avec ses sous-marins. Cette découverte sauve probablement de nombreuses vies et contribue au succès des alliés. Churchill reconnaît d’ailleurs l’importance du travail de Turing. En 1942, il rejoint les Etats-Unis pour travailler à casser les codes japonais, il y fréquente claude Shannon, le fondateur de la Théorie de l’information.
De retour en Angleterre en 43, il conçoit une machine à coder la voix et contribue à diverses recherches mathématiques et conçoit des versions améliorées de la « Bombe » (voir photo ci-dessous) qui sert à décrypter des messages codés par la machine Enigma. Le travail effectué par Turing pour déchiffrer le code Enigma resta secret jusqu’en 1970, ce qui a nui à sa notoriété.
La machine Enigma (Source Wikipedia Commons, domaine public)
Un rotor de la machine Enigma. (Source : Wikimedia Commons, auteur : Matt Crypto, domaine public)
Reconstitution de la machine Bombe, créée par Alan Turing pour déchiffrer les messages codées avec la machine allemande Enigma. (Source : Wikipedia Commons, licence : Creative Commons Attribution – Creative Commons Attribution – Partage dans les Mêmes Conditions 3.0 (non transposée))
L’après-guerre
De 1945 à 1948, il mène des recherches sur le calcul automatique (l’informatique est en train de naître mais le mot n’existe pas encore) et devient en 49 directeur délégué du laboratoire d’informatique de l’université de Manchester. Il participe à la programmation d’un des tout premiers ordinateurs de l’histoire, le Manchester Mark I.
Il continue à réfléchir à des problèmes fondamentaux, en particulier sur l’intelligence artificielle et conçoit ce que nous appelons le « test de Turing ». En 1951, il devient membre de la Royal Society. En 1952, il écrit un programme de jeu d’échec que les ordinateurs de l’époque ne peuvent encore exécuter.
A partir de 52, Turing se consacre à d’autres recherches et conçoit un modèle biomathémathique de morphogénèse. Ces travaux théoriques seront confirmés dans les années 1990 par des expériences de chimie.
Le drame
C’est en 52 que sa formidable carrière se brise. Accusé par la Police d’« indécence manifeste et de perversion sexuelle », il assume son homosexualité et est inculpé. Il ne peut utiliser les services rendus pendant la guerre pour sa défense car ils sont encore couverts par le secret.
A son procès il se voit proposer le choix entre l’incarcération et une castration chimique. Il choisit la seconde solution. Les effets secondaires de ce traitement d’un an le transforme physiquement. Il est écarté de tous les projets scientifiques.
En 1954, à 42 ans, Turing se souvient du petit air de Blanche Neige. il se suicide en mangeant une pomme imbibée de cyanure. Victime de l’homophobie, à l’époque du maccarthysme et de la guerre froide, il a eu le courage de ne pas se renier, ce qui a sans doute joué contre lui.
Il aura fallu une pétition, lancée par l’informaticien John Graham-Cumming, qui a recueilli plus de 30 000 signatures pour que Gordon Brown présente ses excuses pour le traitement « effroyable » imposé à Alan Turing.
Il est vrai que la loi qui fut à l’origine de la condamnation d’Alan Turing (qui envoya aussi Oscar Wilde en prison) ne fut abrogée qu’en 1967 en Angleterre et que l’homosexualité ne fut dépénalisée en France que le 4 août 1982…
Quand la société Apple est née et que son logo s’est répandu : une pomme entamée, beaucoup d’informaticiens y ont vu une allusion à Alan Turing et à sa triste histoire. Les dirigeants d’Apple ont démenti mais quand vous verrez ce logo sur un ordinateur, un Ipod ou un Iphone, rien ne vous empêche d’avoir une pensée pour un homme qui mourut… en croquant une pomme.
Plaque comémorative sur une maison où habita Turing. (Source Wikipeda Commons, auteur : Joseph Birr-Pixton,licence : Creative Commons Attribution – Partage dans les Mêmes Conditions 3.0 (non transposée))
Statue d’Alan Turing dans le parc du Mémorial qui lui est consacré à Manchester. (Source Wikipedia Commons,licence : Creative Commons Attribution – Partage dans les Mêmes Conditions 3.0 (non transposée))
Statue d’Alan Turing par Stephen Kettle au Bletchley Park. (Source Wikimedia Commons, licence : Creative Commons Attribution 2.0 Générique)